11 Août 1914
11 Août 1914
Comme je le pensais, nous restons ici. Je viens de dénicher un certain nombre d’outils de parc et voilà mes hommes, transformés en terrassiers, en train de creuser des tranchées en avant du village. Pendant que, répartis en équipes, ils travaillent avec ardeur, je m’assois à la lisière d’une houblonnière et, armé de mes jumelles, inspecte la jolie campagne qui s’étend devant moi. Le temps est superbe ; à quelques kilomètres, j’aperçois Nomény, riante bourgade proche de la frontière. A gauche, s’élève un mamelon surmonté d’une statue de Ste Geneviève, notre 6e Bataillon y exécute des retranchements. A l’horizon se dresse une sorte d’échafaudage que le Capitaine Dard m’a dit être un observatoire allemand d’artillerie.
Tout est calme… pas un être humain ne manifeste sa présence. Ce calme et cette immobilité des choses m’inquiétant même un peu, j’envoie une patrouille explorer une ferme distante de deux mille mètres environ. Mes lascars reviennent au bout d’une heure environ et me disent que les habitants de la métairie sont en train de déménager. Ils ont également trouvé dans cette habitation, un Maréchal des logis et quelques hussards du 8e qui venaient d’échanger des coups de sabre avec des cavaliers allemands en reconnaissance.
L’un de mes hommes rapporte deux poules proprement saignées. Il m’en offre une, m’affirmant que le fermier, en partant, leur a fait ce cadeau… Je veux bien ne pas approfondir et accepte la bestiole qui constituera le plat de résistance d’un de nos prochains repas de la popote.
Au loin, dans le courant de l’après-midi, je remarque une troupe de cavalerie qui, tranquillement, au pas, suit une route parallèle à notre front. Amis ou ennemis ? A cette distance, impossible de le distinguer.
Le Capitaine Dard survenant, je lui fais part de cette dernière observation ainsi que du résultat de ma patrouille. A la lecture du bout de rapport du Maréchal des Logis de hussards, il manifeste quelque nervosité et ne parle rien moins que de faire prendre les avant-postes, cette nuit, à tout le Bataillon[1]. Heureusement, le Colonel, auprès duquel il s’est rendu, l’a sans doute un peu calmé, car, à son retour, il donne l’ordre de ne laisser sur les positions, pendant la nuit, qu’une demi-section par compagnie, avec mission de lancer quelques coups de sonde en avant.
[1] Composition du 5e Bataillon à cette date :
Capitaine Dard Commandant
Ss Lieutenant de cavalerie Pierrot-Deseilligny – adjoint
Médecin Aide Major de 1e classe Hanns
17e Compagnie 18e Compagnie 19e Compagnie 20e Compagnie
Capitaine Fischer Lieutt Proutaux Commdt Capitaine Mercier Capitaine Bourgeois
Lieutt Verge Ss Lieutt Argant Lieutt Faucher Lieutt Bertin
Lieutt Lacroix Ss Lieutt Goury du Roslan Lieutt Karcher
Ss Lieutt de Briey (note de l'auteur)
Concernant Briey : BRIEY (Jacques-Antoine-Charles-Robert, Comte Jacques de), décoré à titre posthume (palme), lieutenant au 226e d'Infanterie. Tombé à Courbesseaux, le 25 août 1914. Citation au Tableau d’Honneur. Tombé au combat de Courbesseaux, où il a eu la plus belle conduite, prenant le commandement de sa compagnie et la maintenant sous le feu le plus violent. A été cité. NDLR