Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
22 août 2014

22 Août 1914

22 Août 1914

Ô joie ! le vaguemestre me remet trois lettres des 8 – 10 et 11 Août. Ma femme m’apprend que ma petite Simonne, elle a un peu plus d’un an, marche presque seule. Dire que je suis privé du plaisir de la voir ébaucher ses premiers pas ! Lorsque je rentrerai, dans quelques semaines, elle sera devenue une petite bonne femme solide sur ses jambes mignonnes. Ah ! les Boches me paieront cette joie familiale qu’ils me volent ! Enfin, tous les miens sont en bonne santé, c’est ce que je puis souhaiter de meilleur pour l’instant.

08 22 Simonne à Piaud vers 1915

Simonne à Piaud, près de Jonzac (Charente), vers 1915. (coll. pers.)

Pour rendre encore plus pénible notre fastidieuse et énervante faction, un orage épouvantable se  déchaine sur nous. En un clin d’œil, la pluie détrempe le sol d’une façon infecte et endommage presque irrémédiablement nos pauvres abris de paille et de branchages.

La canonnade ne cesse de retentir. A deux ou trois kilomètres devant nous, nous voyons éclater, avec un fracas formidable, accompagné d’une épaisse fumée couleur de suie, de grosses marmites boches. Peu à peu elles se rapprochent et il en tombe un certain nombre sur les villages de Sivry[1] et de Belleau, couchés à nos pieds dans le creux de la vallée. A la jumelle on aperçoit très distinctement les blessures faites aux maisons par les terribles engins.

Aussi, les habitants s’enfuient-ils en toute hâte. C’est pitié de voir ces pauvres gens se sauver, portant de jeunes enfants et poussant leur bétail devant eux ! ils jettent, en s’en allant, un dernier regard sur leur demeure qu’ils retrouveront qui sait quand et dans quel état ! Lorsqu’ils passent devant nous, il me semble lire dans leurs yeux humides, un muet reproche à notre adresse qui n’avons pas pu leur éviter cette désolation… Soyez tranquilles, braves gens, nous vous rendrons vos fermes et vos terres lorsqu’il nous sera permis d’étreindre à la gorge, ces misérables brutes qui s’acharnent à ne faire la guerre qu’aux faibles et aux innocents.



[1] A partir de maintenant je corrigerai systématiquement l’orthographe de Sivry, que Lucien écrivait Civry (NDLR).

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Oui vous avez raison, le problème de langue devait se poser d'une province à l'autre et il était donc difficile de se faire obéir quand on ne parle pas la même langue que ses hommes. Par ailleurs, pensons aussi aux Tirailleurs d'Afrique qui ont été envoyés directement dans les contrées froides du Nord, la mortalité était extrêmement élevée chez eux. A titre d'exemple, on peut lire ce qui est consacré au camp du Courneau à la Teste de Buch, près de Cazaux, une véritable hécatombe! http://ducoteduteich2.wordpress.com/2009/11/11/necropole-nationale-la-teste-de-buch-et-stele-des-americains/
Répondre
L
Merci Monsieur pour vos encouragements. C'est en effet une longue aventure que je débute avec la parution des mémoires de mon grand père au jour le jour, jusqu'en 2019...! si les circonstances me le permettent. Ce texte était totalement inédit, si bien qu'il peut donner des réponses nouvelles à des questions qu'on s'est posées depuis des décennies. Malheureusement, mon grand père va bientôt quitter la Lorraine pour des raisons indépendantes de sa volonté (vous le verrez sous peu) et il n'y reviendra que bien après la guerre, en 1935, sur les lieux des premiers combats.<br /> <br /> Bien cordialement<br /> <br /> Eric Dyvorne
Répondre
M
Expéditeur : Maurice LAURENT<br /> <br /> Cher Monsieur,<br /> <br /> Ce blog me touche profondément... J'ai passé ma petite enfance à Leyr (village à 3km de Montenoy). <br /> <br /> Mon père y est né en 1903 et y a vécu jusqu'en 1952 avant de déménager. Il a subi le bombardement allemand qui a détruit le village avant d'être évacué à Toul avec sa mère et ses frères. J'ai de lointains cousins (mais toujours en rapport) à Arraye et Han, village séparé de Ajoncourt en Moselle par un pont sur la Seille. Il n'y a toujours pas d'église à Ajoncourt et peut-être toujours pas de cimetière (à vérifier). Entre 1871 et 1918, le morts d'Ajoncourt se faisaient enterrer à Arraye, on disait d'eux : Allemands vivants, Français morts!<br /> <br /> Vous faites référence à Nomeny... Mon père m'en a souvent parlé. Les allemands ont massacré plus de 50 personnes de ce village en août 1914. La propagande française a rajouté quelques invraisemblances à cette tragédie qui en précédé et suivi bien d'autres en France et en Belgique en ce terrible moi d'août.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est bien, continuez
Répondre
Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
  • Vous trouverez ici le Journal de guerre de mon aïeul, le capitaine Lucien Proutaux, écrit du premier au dernier jour de la Grande Guerre (1914-18). Ce journal est publié jour après jour, 100 ans après les événements relatés et a débuté le 1er août 2014.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Pages
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 78 446
Publicité