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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
24 octobre 2014

24 Octobre 1914

24 Octobre 1914

Ce matin, visite du Médecin-chef, le professeur Jean-Louis Faure[1] ; c’est, paraît-il, un des plus réputés chirurgiens de Paris. Il m’interroge très amicalement et m’encourage d’une manière tout à fait cordiale.

10 24 prof

Professeur Jean-Louis Faure (1863-1944) (http://bm-saintefoylagrande.jimdo.com/patrimoine/jean-louis-faure/ ) 

 

Une grande dame vêtue en infirmière, les cheveux blancs sous le voile, lui succède peu après. Elle me demande tous les renseignements nécessaires à l’établissement de mon billet d’hôpital et en prend soigneusement note ; au cours de l’entretien, dont elle fait, du reste, à peu près tous les frais, car je n’ai guère l’humeur bavarde, en ce moment encore moins qu’en tout autre, elle me glisse qu’elle est mademoiselle Philibert, la sœur de l’Amiral[2] dont j’ai certainement entendu parler, ce que je lui affirme sur l’heure.

10 24 amiral Philibert, Maroc 1907

l'amiral Philibert au Maroc en 1907

Enfin, troisième visite, celle-ci attendue depuis cette nuit : ma femme qui ne reste que quelques minutes et me raconte qu’hier soir, elles n’ont pas été, ma mère et elle, jusqu’à Clichy, mais ont passé la nuit chez nos cousins Nouailhetas[3]. Elle me promet de revenir ce tantôt[4].

Après son départ, arrivent deux infirmiers qui m’enlèvent de nouveau pour me conduire dans une autre chambre où je serai seul, m’affirme l’un d’eux. En me voyant sortir, mon compagnon, avec son accent méridional, s’écrie : « Comment, vous partez déjà ? »

Cette fois, je suis locataire de la chambre « Les Coquelicots » dont on a fait déménager le précédent occupant, un chef de Bataillon d’Infanterie, le commandant Assolant[5], en traitement pour une … fistule[6] et renommé, à ce qu’il paraît, pour son humeur peu accommodante.

 

10 24 Alfred Assolant

Le romancier Alfred Assolant, frère du commandant souffrant d'une fistule.... 

Je serai soigné par une petite sœur qui vient de venir près de mon lit et dont le doux regard, sous la cornette blanche, révèle l’inépuisable bonté.

10 24 hôpital

"une petite sœur au doux regard sous la cornette blanche..."  Lucien sur son lit d'hôpital  (coll. pers.)



[1]  Le Professeur Jean-Louis Faure est le frère aîné d’Elie Faure (historien de l'art et essayiste français, auteur d’une monumentale Histoire de l’art qui reste une des références dans cette discipline). Il naît à Sainte Foy-La Grande le 28 octobre 1863.
En octobre 1870, il entre au vieux Collège Protestant, fréquenté plusieurs dizaines d’années avant lui par ses oncles Reclus. Il est élève, ensuite,  au Lycée Louis-le-Grand à Paris à la rentrée de 1879. Il est hébergé par son oncle Elie Reclus. En 1884, il s’inscrit à la Faculté de Médecine. Il s’oriente vers la chirurgie pour devenir assistant de son oncle Paul Reclus à l’Hôpital de la Pitié. Il est connu comme rénovateur des méthodes d’intervention dans la chirurgie gynécologique. Pendant plus de trente ans, il publie de nombreux ouvrages qui font autorité. En 1918, il remplace le bergeracois Samuel Pozzi à la chaire de clinique gynécologique de la Faculté de Médecine de Paris. Il est élu membre de l’Académie de Médecine en 1924, puis président de la Société de Chirurgie en 1925. Il meurt à Paris en octobre 1944. (http://bm-saintefoylagrande.jimdo.com/patrimoine/jean-louis-faure/

[2] Amiral surtout connu pour son rôle dans l’intervention militaire de la France au Maroc en 1907 : « L'intervention est provoquée par l'assassinat, le 19 mars 1907 à Marrakech, du docteur Mauchamps. Le 29 mars, par mesure de représailles, le colonel Lyautey, venant d'Algérie, passe la frontière algéro-marocaine et occupe la ville d'OUJDA dans le Maroc oriental. Le 30 juillet 1907, des tribus de la Chaouïa (Région de Casablanca) entrent dans Casablanca et massacrent une équipe d'ouvriers européens qui travaillent au port. Immédiatement une escadre de croiseurs et de contre-torpilleurs fût dirigée vers Casablanca. Sous les ordres de l'amiral PHILIBERT,  elle transportait 3000 hommes de troupes placés sous le commandement du général DRUDE… » (http://marcophiliedaniel.blogspot.fr/2013/01/debarquement-casablanca-en-1907.html )  (NDLR)

[3] Au sujet de ces cousins parisiens, voir la journée du 22 octobre. (NDLR)

[4] Ce tantôt : expression vieillie qui signifie « à tout à l’heure » ou « cet  après-midi ».  Encore utilisée dans les Charentes et au Québec, où de nombreux Charentais avaient émigré.  (NDLR)

[5] Le commandant Assolant, du 305e R.I., le propre frère du romancier Alfred Assolant, était, à la mobilisation, professeur d’anglais à l’Ecole Supérieure de Guerre. (Note de l’auteur)

Alfred Assolant, né à Aubusson (Creuse) le 20 mars 1827 et mort à Paris le 3 mars 1886, est un romancier français, auteur de romans pour la jeunesse. (NDLR)

On trouve un témoignage du Commandant dans le quotidien québécois La presse en 1914 : « Ainsi, le commandant Assolant, professeur à l’École de Guerre et premier blessé français soigné à l’hôpital «québécois», exprima sa fierté d’avoir été soigné dans cet établissement en compagnie d’autres blessés français et aussi de Britanniques. » http://www.bulletinhistoirepolitique.org/le-bulletin/numeros-precedents/volume-17-numero-2/un-projet-trop-ambitieux-l%E2%80%99hopital-la-presse-ou-l%E2%80%99echec-d%E2%80%99une-aide-a-la-france-1914-1915/ (NDLR)

On constatera avec amusement que les versions quant à la « blessure » du Commandant diffèrent légèrement… Officiellement, il est « le premier blessé français soigné à l’hôpital québécois », et pour Lucien, il est hospitalisé pour une fistule… Qui dit vrai ?

[6] Une fistule désigne un canal anormal qui relie un organe à un autre, entraînant la circulation de liquides dans un organe auquel ils ne sont pas destinés. Le liquide peut être un liquide normalement présent dans l'organisme, mais il peut être pathologique comme dans le cas de la fistulisation d'un abcès. L'évacuation peut se faire à l'intérieur ou à l'extérieur de l'organisme. Seule la connaissance du trajet de la fistule permet de la traiter correctement et d'évaluer avec certitude les incidences sur l'organisme. (http://sante-medecine.commentcamarche.net/faq/13361-fistule-definition )  (NDLR)

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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
  • Vous trouverez ici le Journal de guerre de mon aïeul, le capitaine Lucien Proutaux, écrit du premier au dernier jour de la Grande Guerre (1914-18). Ce journal est publié jour après jour, 100 ans après les événements relatés et a débuté le 1er août 2014.
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