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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
25 octobre 2014

La Maison de Santé du Docteur Bonnet

La Maison de santé du Docteur Charles Bonnet

Arrêtons-nous quelques instants sur cette institution qu’est la Maison de Santé du Docteur Charles Bonnet, qui reçoit pendant plusieurs mois notre blessé.

 

Les origines

Au 7 rue de la Chaise, dans le VIIe arrondissement de Paris, était un hôtel particulier du XVIIIe siècle, appelé Hôtel de Vaudreuil, vendu par la comtesse d'Uzès en 1880, dans ce qui fut autrefois le palais du prince Camille Borghèse (1775-1832), beau-frère de Napoléon Bonaparte, à mi-chemin entre les jardins du Luxembourg et l’Hôpital des Invalides. Depuis 1903, la Maison de Santé des Docteurs Charles Bonnet et Logez-Duc y était installée. Ce docteur Bonnet, un chirurgien de renom, avait reçu de nombreuses distinctions médicales. Dans les archives médicales françaises, on le retrouve parfois sous le nom de «Bonner» ou «Bonnier». Il existe quelques témoignages et documents de cette période d’activité de l’institution avant guerre, comme les cartes postales ci-dessous :

10 25 la-maison-de-sante-du-docteur-bonnet

Ces cartes postales envoyées vers 1910 démontrent l'existence de la maison de santé avant la guerre (http://clemenceaudupetitmoulin.centerblog.net/). Ce témoignage (pileva2) également, relevé dans un forum (http://pages14-18.mesdiscussions.net/) : « mon arrière-grand-mère est décédée au 7 rue de la chaise en 1906 à 62 ans. Comme il ne s'agissait pas de son domicile, je pense qu'elle est décédée dans la clinique du Dr Bonnet. »

 En août 1914, le destin de la maison de santé va basculer.

Le Canada, colonie britannique, entre en guerre, et la ferveur patriotique de ses habitants, tout particulièrement des Québécois, y est intense. Cependant, bien vite, cet enthousiasme populaire va retomber, laissant place à d’autres alternatives afin de porter secours aux belligérants français ou britanniques.

Ainsi, l’élite canadienne-française appuyait-elle la France par le biais de diverses associations caritatives et tentait d’intéresser la population en général à ces organisations. Les plus importantes d’entre elles étaient le Fonds patriotique canadien, le Comité France-Amérique et L’Aide à la France. Ainsi, il était possible de contribuer à l’effort de guerre et de soutenir la France sans prendre les armes.

Aussi rapidement que le 5 août 1914, La Presse, le plus grand journal français d’Amérique avait annoncé ses couleurs: il était du devoir des Canadiens français de secourir la Grande-Bretagne et surtout de venir en aide à la France.

 Parmi les projets plus ou moins réalistes que proposait La Presse, la création d’un hôpital militaire pour venir en aide aux blessés de guerre en sol français était le plus plausible et utile, car les hôpitaux de campagne français sont déjà, après juste un mois de guerre, débordés.

Le lendemain du jour où La Presse lance son grand projet, le quotidien fait parvenir une lettre aux quelque 1 200 municipalités que comptait alors la Belle Province dans laquelle on priait chaque maire de faire voter, dans les dix jours, par le conseil municipal, l’achat d’un lit d’hôpital évalué à 150 $, somme jugée peu considérable par certains. En échange de quoi, le nom de la municipalité donatrice serait affiché bien en évidence au-dessus du lit. La Presse croyait ainsi que tous répondraient à l’appel et prouveraient ainsi leur soutien à la France. Le journal ajoutait que cet hôpital de 1 200 lits, avec la possibilité d’en rajouter 600 autres, financé par les Canadiens et dirigé par des infirmières et des médecins canadiens, devait soigner la plupart des futurs blessés canadiens et britanniques au front et non les blessés français.

Le nom officiel de ce projet serait «Hôpital des différentes paroisses de la province de Québec», mais tous y référeront par le surnom d’«Hôpital La Presse».

 

Le projet démarra en trombe.

Au départ, l’Hôpital Auxiliaire (HA) n° 49 – dénommé également Maison de santé du Docteur Bonnet, 7 rue de la Chaise disposait de 150 lits et fut réquisitionné  le 6 septembre 1914 – Etant classé catégorie A, cela signifiait qu’il recevait des grands blessés.

Pressé de rendre la chose officielle, sans même avoir obtenu tous les fonds nécessaires, on procéda tout de même à l’inauguration officielle, le 12 octobre 1914[1], à Paris. Le lendemain, le directeur de l’établissement, le Dr Charles Bonnet, reçut un premier chèque de 27 500 francs servant au démarrage de l’hôpital. Un communiqué officiel fut envoyé aux journaux français annonçant la fondation de l’«Hôpital des paroisses canadiennes-françaises de la province de Québec», sous l’égide du «grand organe du Canada français, le journal La Presse, de Montréal». L’Hôpital ne comptait alors que 74 lits (au lieu des 1 200 promis), et aurait besoin de nouvelles contributions s’il voulait s’agrandir. La politique du fait accompli servirait-elle La Presse auprès des municipalités récalcitrantes?

L’Hôpital La Presse, désormais connu sous son appellation militaire française officielle d’«Hôpital auxiliaire 49 (Maison de santé du Dr Bonnet)», fut aussitôt intégré à une immense et complexe organisation médicale militaire qu’il avait fallu développer rapidement. On comptait d’abord les hôpitaux dits «permanents», qui comprenaient les hôpitaux militaires et leurs annexes, les hôpitaux mixtes et les hospices civils. Enfin, on retrouvait les hôpitaux dits «temporaires».

10 25 maison du Dr Charles Bonnet dans le VIIe (4)

10 25 maison du Dr Charles Bonnet dans le VIIe (6)

Cartes postales provenant de la cantine de Lucien Proutaux

 

Le déclin

Qu’en était-il de la popularité de cet hôpital en territoire canadien? Les municipalités se faisant tirer l’oreille, le gouvernement du Québec décida, le 16 octobre, d’injecter une somme de 5 000 $ (33 lits). Même la tactique de publier les noms des donateurs, des portraits des généreux maires et échevins, de leurs chèques ou de vignettes reliées à l’œuvre n’avait plus d’effet: un mois après le lancement de la campagne, l’hôpital n’avait que 162 lits. Il fallait donc changer de stratégie. Le journal La Presse s’y attela : campagne de propagande, témoignages louangeurs se succédèrent[2]. Des généraux français y furent soignés pour accentuer le renom de la maison.

Malgré tout, le projet déclina. À l’automne de 1915, seuls 150 lits étaient encore en service. Faute d’intérêt, l’œuvre du quotidien La Presse ne pouvait se poursuivre encore très longtemps. À partir de la mi-juin 1915, la fréquence des articles et du message sur l’hôpital canadien à Paris se raréfia, puis ils disparurent complètement.

Le 22 janvier 1916, l’Hôpital auxiliaire 49 devint l’«Hôpital de l’Écosse». Au cours d’une cérémonie officielle, le général français Joseph Galliéni, ministre de la Guerre depuis octobre 1915, en fit l’inauguration. Cet événement officiel, bien entendu, ne fut pas relaté dans le grand quotidien montréalais.

Pour une analyse complète des raisons de cet échec, se reporter à la très intéressante étude (dont je me suis inspiré), Un projet trop ambitieux? L’Hôpital La Presse ou l’échec d’une aide à la France, 1914-1915, par Michel Litalien, historien militaire - Direction Histoire et patrimoine (http://www.bulletinhistoirepolitique.org/le-bulletin/numeros-precedents/volume-17-numero-2/un-projet-trop-ambitieux-l%E2%80%99hopital-la-presse-ou-l%E2%80%99echec-d%E2%80%99une-aide-a-la-france-1914-1915/ )

10 25 maison du Dr Charles Bonnet dans le VIIe (2)

10 25 maison du Dr Charles Bonnet dans le VIIe (3)

10 25 maison du Dr Charles Bonnet dans le VIIe (7)

10 25 maison du Dr Charles Bonnet dans le VIIe (5)

Autres cartes postales ayant appartenu à Lucien Proutaux



[1] Lucien Proutaux y fut donc admis 11 jours après son inauguration officielle, le 23 octobre 1914. (NDLR)

[2] Parmi lesquels celui du Commandant Assolant du 24 octobre 1914, présenté en note à ce jour (NDLR)

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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
  • Vous trouverez ici le Journal de guerre de mon aïeul, le capitaine Lucien Proutaux, écrit du premier au dernier jour de la Grande Guerre (1914-18). Ce journal est publié jour après jour, 100 ans après les événements relatés et a débuté le 1er août 2014.
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