La prison-forteresse de Torgau
Nous venons d’apprendre, le 1er janvier 1915, que le frère aîné de Lucien, Maurice Proutaux, rappelé au front dès août 1914, dans un régiment de Territoriaux (unité composée d’éléments plus âgés et affectés le plus souvent à des tâches à l’arrière des combats) avait été fait prisonnier dès les premiers temps de la guerre et envoyé en Allemagne orientale, dans la province de Saxe, à Torgau.
Camp de Torgau en Saxe - Officiers français prisonniers au fort Zinna.
Grâce aux précieuses indications qui suivent, fournies par Jean-Claude Auriol[1], ainsi qu’aux documents qu’il a mis à notre disposition, nous pouvons nous faire une idée de ce qu’était la détention d’un prisonnier de guerre français à Torgau en 1914-15 :
Le camp de prisonniers de Torgau était composé de deux forts dans un même lieu, le fort Zinna et le fort de Brückenkopf (constructions napoléoniennes). Un des responsables du camp fut le marquis Freiherr Von Seckendorff.
Torgau, l'un des deux forts servant de prison: Brückenkopf
Il s’agissait essentiellement d’un camp de prisonniers militaires, officiers et soldats (ordonnances d'officiers), français et russes (en grande majorité). On y dénombrait également des civils déportés (français et belges). Les prisonniers de guerre étaient envoyés dans les camps sans ordre bien déterminé, quelquefois c'était en fonction de l'année de capture, d'autres fois en fonction du lieu de capture, avec des nuances suivant les sous-officiers, les officiers, les religions ou les régiments.
D'après des témoins, des chiens policiers, des molosses, étaient amenés dans la cour de la forteresse. Tenus en laisse, ils étaient excités par les gardes. Durant une heure, les prisonniers devaient tourner en file indienne, en frôlant les chiens qui les menaçaient de leurs crocs.
Carte de correspondance adressée le 11 novembre 1914, du fort de Brückenkopf (Torgau) par un prisonnier français (nom indéchiffrable) à Madame Moutet, 23 boulevard Montparnasse à Paris. Le texte dit: "Suis en bonne santé et souhaite que ma carte vous trouve et aussi vos enfants en bonne santé. Signature (illisible), prisonnier de guerre. Ne rien dire des opérations."
Les officiers étaient dispensés du travail obligatoire... Les corvées consistaient à nettoyer les chambres (travail souvent effectué par les ordonnances), épluchage de légumes, ou préparation des repas...
Le camp de Torgau de nos jours
Ce camp fut évacué fin 1917 sur les camps d'Eutin et Strasbürg. Les prisonniers ont connu de 3 à 5 camps durant leur captivité. Les transferts de camp n'avait pas souvent de raison bien établie... Par exemple il était courant que des prisonniers de guerre soient transférés d'un camp A à un camp B, puis quelques temps après retour au camp A ...[2]
Prisonniers de guerre français en Allemagne - Année 1914-15 http://grandeguerre.icrc.org/fr/PostCards/de
Vu du côté allemand : le terrain de Torgau en janvier 1915 - certains militaires ont le visage noirci, sans doute pour le camouflage pendant une formation.(http://www.torgauerzeitung.com/Default.aspx?t=NewsDetailModus(77011))
[1] Historien, conférencier, chercheur, Jean-Claude Auriol a écrit de nombreux ouvrages au sujet de la Grande Guerre. Nous citerons les suivants, traitant plus particulièrement de la condition des prisonniers militaires français : Les œuvres de Jean-Claude Auriol sur la Guerre de 1914-1918 sont : Les barbelés des bannis (2003), Les ronces de l'exil (2010), Un cri dans le silence (2012).
[2] Le Forum « Pages 14-18 », auquel J.C. Auriol a contribué est accessible en cliquant sur le lien : http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/qui-cherche-quoi/cambrai-forteresse-torgau-sujet_10859_1.htm