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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
17 novembre 2017

17 Novembre 1917

17 Novembre 1917

Je n’ai pas trop bien dormi, cette nuit, dans mon grenier ; sans doute, le changement d’habitude y est-il pour quelque chose ; l’accoutumance ne tardera pas à venir, j’espère.

Ainsi que m’y avait engagé le régulateur, je me suis rendu à son bureau ce matin à 11 heures et il m’a alors appris qu’il m’affectait provisoirement à la commission de Gare où je me suis aussitôt présenté pour me mettre à la disposition du Commissaire Militaire[1] qui n’est pas, comme je le croyais, le chef d’Escadron d’hier, mais un vieux et brave capitaine, le Capitaine Clerc. Celui-ci m’a dit que je ne continuerai à me mettre au courant du service qu’à partir de demain matin et m’a indiqué le chemin de la popote ; celle-ci est installée dans le même immeuble que le bureau de la Place.

J’ai donc pris mon premier repas en compagnie de mes nouveaux camarades et, je ne sais si c’est là l’ordinaire habituel de cette popote, mais on nous a servi des faisans rôtis ; je n’en revenais pas ! J’ai du reste appris, par la suite, que ces délicieuses volailles étaient le produit de la chasse d’un des officiers présents, retour de permission, qui avait eu la gentillesse d’en faire profiter les camarades.

N’ayant rien à faire aujourd’hui, j’ai employé mon temps à revoir les lieux qui ont marqué pour moi une étape si douloureuse il y a trois ans.[2]

J’ai retrouvé mon hôpital et le pavillon de la fenêtre duquel j’avais aperçu ma femme et ma mère à l’instant même de leur arrivée…

Je me suis ensuite acheminé vers la très vieille et bizarre église dans laquelle ma femme a tant prié pour moi et ce n’est pas sans avoir le cœur étreint par une vive émotion que j’ai accompli ces pieux pèlerinages du souvenir !

11 17 Creil église St-Médard 

Pour identifier "la très vieille et bizarre église", j'ai trouvé une carte postale adressée par Armand Massias à sa femme et ses enfants pendant la guerre de 1914-18 : Creil (Oise) Eglise de construction bizarre des XIIe et XIIIe siècles – Clocher du XVIe siècle. Ci-dessus, une vue de l'église St Médard à notre époque.

A la première occasion, je me propose aussi de pousser jusqu’au cimetière pour essayer de reconnaître les tombes de mes deux pauvres compagnons de douleur[3] décédés à côté de moi les deux premières nuits de mon séjour ici.

Creil porte encore les marques du passage des barbares. Une rue entière est complètement détruite, dans laquelle aucune maison n’a été réédifiée, et ça et là, dans la ville, on rencontre des immeubles en ruines ; on voit, toutefois, que ces ruines sont déjà anciennes de plusieurs années car l’herbe et les ronces ont poussé entre les décombres, et les plâtras et les éboulis ont revêtu une teinte gris sale qui indique que ces destructions ne sont pas récentes.

11 17 Creil rue Gambetta

La rue Gambetta à Creil semble être la "rue entière complètement détruite, dans laquelle aucune maison n’a été réédifiée".



[1] Explication fournie par Jean-Claude Poncet : sous l'appellation commissaire militaire de gare, il faut entendre un service commandé par un officier qui porte le titre de commissaire, c'est à dire qu'il a autorité sur tout à l'intérieur de la gare et même dans la ville siège de la gare. Il a notamment la fonction de viser les permissions des hommes en transit, la surveillance des trains (horaires, discipline), la discipline en gare et en ville car le commissaire en tant que personne est le plus souvent le plus gradé de la ville. Il a même la mission d'effectuer des enquêtes de police judiciaire sur ordre du préfet, suite, par exemple, à des plaintes, des dénonciations, etc.

Par exemple, ce commissaire a pouvoir disciplinaire et peut sanctionner un soldat qui quitterait le train militaire afin de prendre un train civil. Normalement dans la gare ou à proximité, on trouve un local disciplinaire , essentiellement pour les hommes pris de boisson.

Le commissaire aide, mais aussi « surveille » l’ambulance de gare, gérée par l’une des sociétés civiles de secours aux blessés militaires.

http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/forum-pages-histoire/commissaire-militaire-gare-sujet_1017_1.htm (NDLR)

[2] Lucien Proutaux arrive, blessé, à Creil le 8 octobre 1914 ; il va y rester jusqu’au 23 octobre. (NDLR)

[3] Il s’agit du capitaine Delacour et du sous-lieutenant Valési, décrits dans la journée du 22 octobre 1914. (NDLR)

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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
  • Vous trouverez ici le Journal de guerre de mon aïeul, le capitaine Lucien Proutaux, écrit du premier au dernier jour de la Grande Guerre (1914-18). Ce journal est publié jour après jour, 100 ans après les événements relatés et a débuté le 1er août 2014.
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