12 Mars 1918
12 Mars 1918
Temps toujours au beau fixe. Aussi, les Boches continuent-ils leurs exploits. Hier soir, ils nous ont encore survolés, se dirigeant vers Paris. Ils auraient bombardé, au passage, la gare de Creil, paraît-il.
Ils commencent à être bien exaspérants ces ennemis de malheur, car, à la moindre alerte, on nous coupe immédiatement l’électricité et, si l’on ne descend pas dans les souterrains, on est obligé d’expédier la besogne à la vague lueur de bougies plantées ça et là ; en outre, comme mes fonctions de chef de détachement m’obligent à faire respecter les consignes par le personnel, ce qui vient de m’être rappelé par le commandement, il me faut, chaque fois, faire descendre secrétaires et plantons et je reste seul, avec mon camarade Joubert, l’officier d’administration, pour assurer le départ du courrier.
Puis quand, enfin, je puis rentrer à mon logement, je trouve ma pauvre vieille hôtesse qui remonte de sa cave à moitié transie de peur et qui m’interroge anxieusement sur les événements, se figurant sans doute que je suis dans le secret des opérations et capable de lui dire si toutes ces misères sont à la veille de leur fin. J’essaye de lui remonter le moral et l’engage surtout, je sais qu’elle peut le faire, à quitter Compiègne et à s’éloigner le plus vite possible vers des cieux plus cléments. Mais elle ne semble guère disposée à suivre mon avis car elle aurait promis à son mari, décédé vers 1915, de ne jamais abandonner sa maison.
Au cours de la nuit dernière, elle a encore eu une bien grande frayeur, la pauvre femme. Il y avait peut-être un quart d’heure que j’étais rentré dans ma chambre quand j’entends appeler dans l’escalier : « Monsieur l’Officier, Monsieur l’Officier ! » Je suis aussitôt sorti et l’ai trouvée toute tremblante au bas des marches, à peine capable de m’expliquer d’une voix apeurée qu’il y avait à la porte de la rue un Arabe qui voulait absolument pénétrer dans la maison et refusait obstinément de partir.
J’ai alors ouvert et me suis, effectivement, trouvé en présence d’un grand diable de tirailleur, débarquant je ne sais d’où et qui, tant bien que mal, m’a expliqué qu’il était à la recherche d’un logement ; apercevant une lumière à travers la vitre de la porte, il s’était aussitôt dirigé vers elle. En langage petit nègre, je lui ai indiqué le Bureau de la place et lui ai fait comprendre que là, on se chargerait de lui procurer un gîte ; après quelques minutes de pourparlers et d’explications laborieuses, il s’est décidé à s’éloigner et la bonne dame, enfin rassurée, m’a bien remercié de mon intervention.
Insigne du 1er Régiment des Tirailleurs Marocains
Son blason est le Sceau de Salomon à cinq branches, inscrit dans un croissant, sur lequel figure au premier plan l'Hirondelle de la Mort, porteuse dans son bec de deux tibias, destinée à rappeler le surnom donné par les allemands eux-mêmes aux Tirailleurs Marocains, au cours de la guerre 1914-1918. Au second plan figure une évocation de la ville sainte de Moulay Idriss, située dans le massif du Zerhoun, près de Meknès. Le texte en arabe gravé sur le croissant signifie, phonétiquement, "Min Moulay Idriss jinna wa rabbi arfoualina", ce qui signifie 'De Moulay Idriss nous venons et le Seigneur nous a (re)connus". (https://fr.wikipedia.org/wiki/1er_r%C3%A9giment_de_tirailleurs_marocains )