17 Mai 1918
17 Mai 1918
Je viens de recevoir une lettre de ma femme m’annonçant que son état s’améliorait réellement et qu’elle commençait à constater les résultats satisfaisants des sévères prescriptions du Docteur.
J’en suis bien heureux, on doit le penser, doublement heureux car, à la longue, je finissais par me demander si je n’étais pas un peu cause de tout ce qui est arrivé. Parfois, même, je suis pris de remords en me rappelant que, avec les débuts de mon séjour rue de la Chaise[1], je l’ai quelquefois un peu rudoyée, ma chère femme, non pas que je lui en veuille, de quoi lui en aurais-je voulu, Grand Dieu ? mais la souffrance me rendait tant irritable ! Et qui sait si cela, ajouté aux transes et aux inquiétudes que lui ont occasionnées les dangers que j’ai courus, n’a pas contribué dans une certaine mesure, à provoquer sa maladie d’aujourd’hui ? Ensuite, mon départ… Mais ça, je ne puis le croire et me faire de reproches à ce sujet, car je lui connais une âme assez haute, des sentiments assez élevés, pour me rendre compte, au contraire, que si j’avais tenté, comme beaucoup, de me débarrasser de la servitude et du devoir militaires, elle ne m’aurait, dans le fond de son cœur, certainement pas approuvé.
Julie Proutaux (1882-1975) (Coll. pers.)
Aussi, dans toutes mes lettres, je ne cesse de lui recommander de bien se soigner, si elle veut mettre fin à mon tourment, et de suivre scrupuleusement le régime ordonné par le médecin, afin d’être rapidement sur pied et de redevenir à brève échéance, la vaillante petite femme que j’ai connue jusqu’ici
[1] Lucien est resté de longs mois à la clinique du Docteur Bonnet, rue de la Chaise, à Paris, lors de sa blessure (année 1915) (NDLR)