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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
15 janvier 2019

15 Janvier 1919

15 Janvier 1919

On vient de nous apprendre une nouvelle assez drôle : Le G.Q.G. Pétain, qui, ainsi que je l’ai signalé, avait pris sa volée vers Metz au début de Décembre, va quitter cette dernière ville pour revenir, qu’on devine où… à Chantilly ! Quelle singulière histoire ! Il paraît qu’avant que Chantilly soit définitivement choisie, on avait envisagé le retour à Provins ; je ne sais pas quelle est la cause de ce revirement, mais on dit que les habitants de la cité du Grand Condé[1] ne sont pas autrement charmés de voir réapparaître les hôtes qu’ils avaient déjà abrités pendant plus de 2 ans. Est-ce vrai ? Je n’en ai pas eu confirmation, ce qui ne m’intéresse qu’à demi, du reste.

Ce qui me touche davantage, c’est que la démobilisation des vieilles classes étant commencée, elle se fait particulièrement sentir parmi mon personnel ; un bon nombre de mes vieux pépères –et les meilleurs, puisque vieux soldats- sont partis, entr’autres, mon ordonnance Bessault et, malgré mes réclamations réitérées au 1er Bureau du G.Q.G., on ne me les remplace qu’au compte-gouttes, ce qui fait que j’ai des difficultés inouïes pour assurer la marche normale du service dans ses détails et il est fort à craindre que ces difficultés n’iront qu’en s’accentuant[2].

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Comment procéder pour être démobilisé (in http://87dit.canalblog.com/archives/2018/04/12/36314968.html )

Autre calamité qui nous arrive également du fait de la démobilisation, mais d’une façon un peu plus indirecte, toutefois. J’ai dit que notre popote se trouvait dans une assez belle villa, dans laquelle je loge aussi, du reste ; jusqu’à ces derniers temps, tout allait bien, car le propriétaire de la villa en question, était encore mobilisé et conduisait une camionnette là-bas, du côté de Dunkerque, je crois. Or, ce Monsieur, qui s’appelle M. W…, vient d’être renvoyé chez lui et, de trouver son pavillon de Gouvieux occupé par des officiers, l’a rendu fou de rage ; quoique habitant un somptueux appartement Avenue Marceau, ce sympathique millionnaire prétend avoir décidé de venir s’installer ici avec sa famille, ce qui semble un peu invraisemblable, vu la saison et, pour mettre fin à ses criailleries, le colonel Lefort m’a chargé de faire toutes les démarches nécessaires pour obtenir la réquisition de la villa. C’est chose faite, mais je doute fort que notre homme se tienne pour battu et tous les prétextes venus vont lui être bons pour nous chercher noise ; c’est le plus mauvais coucheur que l’on puisse imaginer et il est bien connu de deux membres de la popote qui lui sont apparentés.



[1] Louis II de Bourbon-Condé dit le Grand Condé, connu d'abord sous le titre de duc d'Enghien, né le 8 septembre 1621 à Paris et mort le 11 décembre 1686 à Fontainebleau, est un prince du sang français. Général français pendant la guerre de Trente Ans, il fut l'un des meneurs de la Fronde des princes. Il est un cousin issu de germains de Louis XIV. Le 21 avril 1671, il reçoit durant trois jours le Roi-Soleil alors âgé de 33 ans et les 3000 membres de la Cour de Versailles dans son château de Chantilly : il fait donner une fête fastueuse et des banquets somptueux organisés par François Vatel, afin de s’attirer les bonnes grâces du souverain. Il finit sa vie dans son château de Chantilly, entouré de musiciens et de poètes, cultivant les lettres et conversant avec Racine et Boileau.(d’après Wikipedia NDLR)

[2] Quelques jours avant sa démobilisation, un de mes meilleurs conducteurs d’auto, Rampant, le chauffeur du colonel, m’a fait demander, par l’intermédiaire de son maréchal des logis, l’autorisation de me parler, autorisation que je lui ai, naturellement, accordée sans retard. C’était pour me faire part du grand désir qu’il aurait, avant sa libération, d’être promu au grade de brigadier… Je lui ai fait amicalement remarquer qu’il avait attendu bien longtemps pour me mettre au courant de cette ambition, bien modeste il est vrai, mais que, néanmoins, j’allais faire mon possible pour que satisfaction lui soit donnée. Toutefois, malgré mes démarches réitérées auprès du Service Automobile, je n’ai pu obtenir, vu le temps très court restant à couvrir avant son départ, que Rampant reçoive les sardines de laine (galons tissés en fil de laine, NDLR) qu’il désirait tant et force lui a été de rentrer chez lui avec des manches vierges de galons. Je l’ai bien regretté car j’aurais été heureux que ce brave garçon, qui était un bon et modeste serviteur, obtienne la récompense à laquelle il attachait tant de prix (note de l’auteur)

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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
  • Vous trouverez ici le Journal de guerre de mon aïeul, le capitaine Lucien Proutaux, écrit du premier au dernier jour de la Grande Guerre (1914-18). Ce journal est publié jour après jour, 100 ans après les événements relatés et a débuté le 1er août 2014.
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