1er Février 1919
1er Février 1919
Un nouveau mois commence aujourd’hui ; sera-ce le dernier que je doive encore passer à la D.T.M.A.[1] ? Je l’ignore, mais je le voudrais bien car la besogne que j’accomplis maintenant me paraît tellement dénuée d’utilité, que cette vie finit par me peser diablement. Et puis, ne va-t-il pas être temps de faire remplir tous les emplois que nous occupons, par des camarades de l’active qui, eux, peuvent rester puisque c’est leur métier et qu’ils n’ont pas, comme nous autres, la préoccupation et le souci de la situation civile à refaire.[2]
Il va bientôt y en avoir des quantités en surnombre, des officiers de l’active, avec toutes les unités déjà dissoutes, sans compter celles qui vont l’être.
de Bruno Cabanes, La Victoire endeuillée, cf note ci-dessous
[1] D.T.M.A. : Direction des Transports Militaires aux Armées (NDLR)
[2] L’ouvrage suivant « La Victoire endeuillée, La sortie de guerre des soldats français (1918-1920) », par Bruno Cabanes, permet de comprendre ce qui attendaient les démobilisés, au sortir de quatre longues années de guerre et de sacrifices : « Le 11 novembre 1918 marque l’arrêt des combats sur le front occidental. Mais, pour cinq millions de soldats français, ce n’est pas encore la fin de la guerre. Il leur faut attendre longtemps avant d’être démobilisés et pouvoir revenir dans leur famille. Cette histoire de la sortie de guerre, jusqu’ici méconnue, nous permet de découvrir des combattants épuisés, impatients de rentrer chez eux, et résolus cependant à ne pas accepter une paix hâtive. La haine de l’ennemi se manifeste alors avec force, et la violence de la « culture de guerre » est portée à son apogée. On imagine les soldats et les civils communiant dans la joie de la victoire. Il n’en est rien, et la fracture entre le front et l’arrière n’a jamais été aussi forte. L’armée française en 1918 est une armée victorieuse. C’est aussi, avant tout, une armée en deuil. »