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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
25 avril 2019

Appendice Texte 6

La gloire du Maréchal Fayolle (septembre 1928)

Extrait d’une étude de M. Georges Lecomte, parue dans la « Revue de France[1] », peu de temps après la mort du Maréchal :

006 obsèques maréchal Fayolle le 30 août 1928

Les obsèques du Maréchal Fayolle (in https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9041067w.r )

« Malgré l’écran que cette stupéfiante modestie[2] a, durant toute la guerre et même ensuite, mis entre la foule et lui, on a fini par savoir un peu de ce qu’il a fait, un peu de tout ce qu’on lui doit : la part que, brigadier[3] d’abord, puis très vite commandant de la 70e division, il prit, sous les ordres de Foch, à la défense du Grand Couronné de Nancy ; sa victoire de Carency et d’Ablain-St Nazaire le 9 mai 1915 –la première depuis celle de la Marne- qu’il remporta en appliquant sa méthode de l’intense concentration des feux pour rendre moins meurtrier le cheminement de l’infanterie à travers le barbelé détruit ; son heureux commandement du 33e Corps, lorsque Pétain, longtemps son chef, fut mis à la tête du troisième groupe d’Armées, ou plus tard, Fayolle le remplaça quand le ferme et calme sauveur de Verdun fut nommé généralissime pour préserver l’instrument de la future victoire.

Malgré cette volonté d’effacement qui caractérisait Fayolle, la Nation apprit que, ayant reçu le commandement de la sixième armée, il dirigea sur la Somme, avec les admirables chefs de trois corps sous ses ordres, la longue poussée péniblement et continûment victorieuse qui aboutit au repli de toute la ligne allemande derrière les positions Hindenburg : on sait l’heureuse besogne qu’il avait accomplie à la tête du groupe des Armées du Centre, lorsque, pour aider à la réparation de la malchance italienne, on lui confia le commandement en chef de l’armée française d’Italie, où il prépara la victoire du Monte Tomba par une stratégie aussi habile que le fut son affable et simple diplomatie avec nos alliés.

Assaut du Monte Tomba   006 assaut du mont tomba

Enfin, les états de service communiqués aux journaux lors de la mort du Maréchal ont révélé à la nation le rôle prépondérant que, ordonnant l’action conjuguée de trois armées françaises et de deux armées américaines, Fayolle eut, sous la haute autorité de Foch, grand chef des troupes alliées et de Pétain, généralissime de toute l’armée française, dans les opérations incessamment victorieuses qui se prolongèrent de juin à novembre 1918. Jusqu’alors, on avait plus parlé du rôle particulier –qui fut magnifique- de chacune des armées, de chacun des corps d’armée engagés dans la fournaise. Et c’est très explicable qu’il en ait été ainsi, car le grand public perçoit plus aisément une action restreinte, surtout lorsqu’on prend soin de lui en faire apparaître la réelle importance et l’éclat.

Mais, malgré l’exactitude avec laquelle, au moment de sa mort et pour la première fois, son œuvre pendant la guerre fut retracée, ce que la France ne sait pas encore suffisamment, c’est que, en mars 1918, son énergie clairvoyante, sa science militaire, sa foi en l’avenir du pays –qui lui fut toujours une grande force- ont préservé Paris d’une nouvelle irruption allemande.

C’est lui qui, à peine revenu d’Italie, après avoir fortement aidé à y rétablir un solide point de défense, reçut la mission de boucher entre les Anglais et nous la très dangereuse fissure qui s’était brusquement produite et d’arrêter la trombe allemande qui, par là, se déversait sur Paris. Rassemblant en hâte d’abord quelques bataillons, avions et batteries, puis, heure par heure, jour par jour, des régiments et des divisions épars, il fut le calme et vigoureux stratège d’un barrage si puissamment improvisé qu’il résista.

Au lendemain de la victoire qui lui permit enfin de respirer après huit jours d’une rude et angoissante bataille où les destinées de la Patrie furent en jeu de nouveau, ce grand soldat, dont on connaît la ferveur religieuse, m’écrivit avec soulagement : « … véritable semaine de la Passion. Mais le dimanche de Pâques, tout était sauvé. »

Comme ses soldats l’eussent encore plus aimé et vénéré s’ils avaient su que leur chef, à la tête froide et puissante, mais au cœur compatissant, fut, dès les premiers jours de la guerre, et durant plusieurs mois, très malade de l’ouragan meurtrier qui autour de lui, fauchait de trop jeunes hommes. Il en éprouvait une douloureuse émotion qu’il domina toujours, à force d’énergie, ainsi que son mal, pour accomplir lucidement et fermement son devoir. Longtemps à cette époque, il ne vécut que de lait. Et, s’il finit par moins souffrir physiquement de toutes ces vies humaines foudroyées, il ne s’en guérit jamais complètement. C’est miracle qu’ainsi bouleversé il ait gardé le cerveau assez clair, inventif et vigoureux, les nerfs assez solides, pour accomplir glorieusement des tâches si diverses et si difficiles. Mais il restait atteint. Et l’on peut dire que, quatorze ans après ces commotions trop fortes pour une âme d’une telle qualité, il est mort, ce grand chef, d’avoir trop vu mourir.

006 Maréchal Fayolle

Portrait du Maréchal Fayolle (1852-1928) (in https://www.bibliotheques-clermontmetropole.eu/grandeguerre/fr/apres-guerre/temoigner/le-marechal-fayolle )



[1] "La gloire du maréchal Fayolle" / Georges Lecomte, in "La revue de France", 15 octobre 1928 NDLR

[2] Le 14 juillet 1919, le général Fayolle écrivait : « Le temps est très beau et le défilé superbe. Je suis très acclamé, ce qui me surprend, car je me croyais à peu près inconnu du public. J’entends Vive l’Auvergne, Vive Le Puy, ce qui me fait plaisir. » (in Cahiers secrets de la  Grande Guerre, présentés et commentés par H. Contamine, Plon, 1954) NDLR

[3] Le général de brigade Fayolle est cité la première fois par Lucien le 13 août 1914 : « Un singulier tuyau nous parvient : notre divisionnaire, un certain Général Bizarre (i.e. Bizard, NDLR), que nous n’avons encore jamais vu, est déjà relevé de son commandement avant que nous ayons même pris contact avec l’ennemi. Il faut réellement croire que son incapacité était notoire. C’est notre brigadier, le Général Fayolle  qui lui succède. On en dit grand bien. » NDLR

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  • Vous trouverez ici le Journal de guerre de mon aïeul, le capitaine Lucien Proutaux, écrit du premier au dernier jour de la Grande Guerre (1914-18). Ce journal est publié jour après jour, 100 ans après les événements relatés et a débuté le 1er août 2014.
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