23 Août 1914
23 Août 1914
Ce matin, ordre nous est donné de nous porter en arrière de Faux St Pierre. Le régiment se rassemble en colonnes doubles à proximité du cimetière et attend, pendant de longues heures, des événements qui ne se produisent pas.
aux alentours de Faulx (photo frednancy Panoramio)
Au cours de cette station prolongée, nous avons entendu une petite conférence improvisée, que nous a faite le Capitaine Bourgeois, qui commande actuellement la 20e Compagnie, était, avant la mobilisation, professeur à l’Ecole Normale de Tir du Camp de Châlons. D’aspect taciturne, voire même renfrogné (c’est, d’ailleurs, un très brave homme), il est d’un naturel peu causeur ; mais, si on l’aiguille sur son sujet favori, le tir et, plus particulièrement, les armes automatiques et leur emploi, alors il se transforme et, traitant avec amour une question qu’il possède à fond, il parle avec chaleur et intarissablement. J’ai appris des choses très instructives et fort intéressantes.
J’ai le regret, pendant notre longue attente, de voir évacuer notre cuisinier, un brave petit bonhomme, d’un dévouement à toute épreuve ; il est atteint d’une fatigue telle, que ses membres lui refusent tout service.
Vers 18 heures, le Colonel, ne voyant toujours rien venir, prend sur lui de nous faire cantonner à Montenoy. Pourquoi les ordres n’arrivent-ils pas plus tôt ? il faut un certain temps pour que les distributions se fassent et pour confectionner la soupe ; celle-ci ne pourra être mangée que fort tard dans la soirée et c’est autant de repos perdu pour nos hommes !
Le Capitaine Dard m’indique une chambre où je trouve un confortable lit. Quelle bonne nuit en perspective !
20 heures. Aïe ! Voilà la petite auto de la Brigade… Mauvais signe. A la lumière du phare, le Capitaine Flaubert, l’adjoint du Colonel, prend connaissance d’un pli. A son air soucieux, je me doute qu’il y a du nouveau… Je m’approche et apprends, en effet, que, dans deux heures, le 226e doit être en route pour une destination inconnue.
Adieu mon bon lit ! il nous faut rapidement diner et à 22 heures, nous nous remettons en marche[1].
[1] Sans doute au cours de cette sortie nocturne, le soldat au 226e Régiment d'Infanterie FERRARI DA GRADO (Marie-François-André), décoré à titre posthume (palme), est tombé glorieusement pour la France ce 23 août 1914. Citation : Au front depuis le début de la campagne, vaillant soldat qui s'est fait remarquer par sa belle altitude au feu dès les premiers combats. A été cité au tableau d’Honneur des Morts de la Guerre NDLR.