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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
8 décembre 2019

Réactions après le décès: le docteur Weiss et Jean Droit

Faire-part de décès de Lucien Proutaux:

1937 12 01 faire-part décès Lucien

1937 11 27

Réactions au décès de Lucien :

 

1937 12 01 carte de condoléances Dr Weiss (1)  1937 12 01 carte de condoléances Dr Weiss (2)

 

 L’éloge funèbre : Discours prononcé par Monsieur le Docteur Weiss[1], président de l’association des Mutiles de Clichy, sur la tombe du capitaine honoraire de réserve Lucien Proutaux, le 1er décembre 1937.

1937 12 01 présentation discours

« Mesdames, Messieurs, mes chers camarades,

Au nom de l’Association des Mutilés Réformés et Veuves de Guerre de Clichy, j’apporte le douloureux témoignage de notre profonde et affectueuse amitié à notre ami Proutaux.

Quoique –depuis longtemps- sa mort n’était plus qu’une question de semaines, et même de jours, la volonté de notre ami en a retardé l’échéance jusqu’à l’extrême limite de la résistance humaine.

Proutaux était un ami sûr et fidèle qui avait su gagner l’estime, la sympathie et le respect de tous.

Pour nous, il symbolisait le devoir, d’honneur et d’amitié, dans tout ce que ce mot peut avoir d’affectueux et d’altruiste.

Avec lui, nous avions fondé cette association de mutilés, dont il était le Vice-président depuis 18 ans.

Ceci nous reporte au lendemain de l’armistice. Il avait eu, à la fin de 1914, aux portes d’Arras, la jambe gauche fracassée par un éclat d’obus.

Après un long séjour à l’hôpital, inapte à tout service armé, il fut affecté au G.Q.G.[2] jusqu’à la fin de cette longue et interminable guerre.

Sa belle conduite lui avait valu la Croix de Guerre et ensuite la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur.

Dans notre association, il fut toujours un ardent défenseur des anciens combattants et des victimes de la guerre, et il fit entendre sa voix, à différentes reprises, soit au Comité de la Flamme[3], où il représentait notre association, soit à la section de Clichy des Pupilles de la nation où il occupait également les fonctions de vice-président.

Sa physionomie était bien connue à Clichy –appuyé sur une canne, il marchait péniblement, la jambe gauche, raidie, ankylosée, sans jamais laisser paraître sa souffrance.

Car il souffrait… Il souffrait constamment de sa blessure.

Il souffrait physiquement, par les douleurs qu’elle provoquait, et par les complications, qui, depuis plus de six ans, n’ont cessé de l’aggraver. Il souffrait moralement –je le sais bien- lorsqu’il constatait avec angoisse les progrès et les ravages de cette blessure effrayante.

Jusqu’au dernier moment, il a continué son travail.

Et il a fallu qu’il fût terrassé par les avancées de ce mal qui rongeait sa jambe et empoisonnait tout son organisme, pour qu’il consentît à rester chez lui.

Mais il était trop tard.

Le mal avait fait des progrès tels que tous les soins devaient demeurés impuissants.

Au début de mars, arrivé à l’extrême limite de ses forces, sentant la vie l’abandonner, il accepta de subir la désarticulation complète de la hanche gauche.

Mais une opération aussi grave s’accompagne toujours d’un choc extrêmement violent et redoutable –et, devant sa grande faiblesse- voisine de la mort- on dut lui faire une transfusion de sang.

Cette transfusion, qui n’aurait eu aucun résultat fâcheux chez un patient normal, eut, chez lui, les conséquences les plus déplorables. Il s’en suivit une gangrène du bras qui avait été le siège de la transfusion, et pour éviter une extension mortelle de ce nouveau mal, force fut de lui amputer le bras gauche au-dessus du coude.

Il supporta avec vaillance ces opérations extrêmement graves et cruellement douloureuses.

Et nous avions eu la grande joie de le voir se rétablir quelque peu, au point que nous –qui avions perdu toute espérance- nous finissions, malgré nous, devant son courage indomptable, à reprendre quelque espoir.

Hélas, cet espoir devait être de courte durée.

Complètement épuisé par les souffrances et l’aggravation continue d’un mal implacable qui –parti de la jambe- avait gagné tout son organisme. Il expirait doucement, le 27 novembre à 23 heures, au milieu des siens.

Si nous avons rappelé son héroïsme pendant la guerre, si nous avons exalté son dévouement à la cause des anciens combattants et des victimes de la guerre, si nous avons dit son courage et sa volonté devant la maladie et la mort, il est impossible de taire ses grandes qualités d’époux et de père.

Quelques jours avant sa mort, il nous disait, alors que personne de sa famille n’était là pour entendre, qu’il pleurait la nuit, lorsqu’il était seul, en songeant à l’avenir.

Et cependant, il était heureux à la pensée que ses deux filles avaient trouvé des maris tels qu’il le souhaitait.

Il s’est endormi, laissant parmi nous, le souvenir ineffaçable qui peut s’attacher à un homme qui n’a eu dans la vie d’autre but que d’accomplir son DEVOIR.

Adieu, mon cher ami. Vous nous laissez le plus bel exemple qu’un ancien combattant puisse léguer à sa famille, à ses amis et à ses camarades de la guerre.

Au nom des camarades de notre association que vous aimiez bien, au nom des camarades des associations sœurs, je m’incline pieusement profondément devant vous. Et au nom de ces mêmes camarades, je prie très respectueusement sa veuve, ses filles et sa famille, d’agréer l’expression douloureusement émue de nos bien vives et sympathiques condoléances. »

Docteur E WEISS ; E.-L. ; Médecin-major de 2e cl. ; 41 ; R. I. C. ; 2 Citations à l'ordre de l'Armée, Chevalier de la Légion d'honneur ; L'Illustration, planche n° 250 ; n° 3830 du 29/07/1916

 

  

Lettre de Jean Droit [4] à Denise Proutaux   

1938 01 22 lettre p1

    

                       22 janvier 1938

Mademoiselle

            Merci de tout cœur d’avoir pensé que ce souvenir me serait précieux. Il va rejoindre les autres, de la même époque. Les autres, si lointains, si estompés déjà, mais auquel un malheur aussi récent et cruel que le vôtre vient rendre toute leur triste jeunesse.

            Nous gardons la joie d’avoir pu revoir votre père. C’est à vous que nous le devons et il ne faut pas nous remercier.

            C’est Coudert (sergent) architecte, 17 boulevard Rochechouart, qui a eu l’idée et s’est chargé des fleurs. Et je suis sûr (si ce n’est fait) que le souvenir que vous avez bien voulu m’adresser, lui serait bon.

            J’espère vivement, Mademoiselle, que notre unique rencontre se renouvèlera. J’ai noté votre adresse, et à ma prochaine exposition, je ne manquerai pas de vous écrire.

            Veuillez, je vous prie, pour vous et Madame votre Mère, l’expression de mon respectueux et fidèle souvenir.

                                                                                              Signé : Jean Droit

                                                                                              Le 22 janvier 1938

Jean Droit en 1957 une photo de Jean Droit en 1957 en habit de scout.

Immeuble Art Deco Rue Beaubourg n°82 A Immeuble Art Déco au 82 rue Beaubourg édifié en 1923 par l'architecte A. Coudert cité dans la lettre de Jean Droit.



[1] Les années de guerre, à propos du Dr E. Weiss : Les combats de septembre et d’octobre 1915 ont amené dans nos « hôpitaux » de nombreux blessés, suscitant une augmentation du nombre des décès à Clichy. Le bruit court que le docteur Weiss aurait été grièvement blessé à la mâchoire. Quelque temps après, nous en avons la confirmation, le docteur est en traitement à Paris. Au cours d’une attaque, lors d’un bombardement intense, il a remplacé un médecin auxiliaire et sur la ligne de feu il a été grièvement blessé à la tête. Le 19 octobre, le docteur Weiss est décoré de la Légion d’honneur. (in https://www.ville-clichy.fr/98-centenaire-grande-guerre-14-18-clichy.htm )

Vers 1916, on trouve la trace d’un certain WEISS (Edouard), Hôpital Ecole Polytechnique, 5 rue Descartes, Paris Ve.  (Bulletin de l’Association Nationale des Mutilés de Guerre, fondée en 1915). (NDLR)

[2] G.Q.G. : Grand Quartier Général de l’Armée Française. (NDLR)

[3] « La Flamme sous l'Arc de Triomphe, Flamme de la Nation » est une union d'associations régie par la loi du 1er juillet 1901. Elle regroupe environ 500 associations : associations d'anciens combattants mais pas seulement. Toute association, fédération ou fondation peut présenter sa candidature de membre à la Flamme, au vu des documents de déclaration en préfecture. Tout dossier de candidature doit comporter notamment une description de son objet, de son but et de la composition de ses membres. L'association a pour but raviver quotidiennement, au crépuscule, la Flamme sur la tombe du Soldat inconnu et plus généralement d'entretenir sa mémoire c'est-à-dire la mémoire de tous les combattants français et alliés tombés au champ d'honneur. Le général d'armée (2S) Bruno Dary est, depuis décembre 2012, président de « La Flamme sous l'Arc de Triomphe, Flamme de la Nation ». Le conseil d'administration de l'association est formé de 30 membres, femmes et hommes, issus des associations adhérentes. (NDLR)

[4] Concernant Jean Droit, il est cité à maintes reprises dans les souvenirs de Lucien Proutaux au cours des cinq années de guerre et un article lui a été également consacré. Se référer aux éléments suivants : 25 août 1914, 28 août 1914, 5 octobre 1914, 9 octobre 1914, 15 octobre 1916 (retour de Verdun), fin mars 1918. (NDLR)

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Commentaires
D
Grand merci pour tout ce qui est relatif à Jean Droit ! Cela me touche beaucoup. Fidèles amitiés.
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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
  • Vous trouverez ici le Journal de guerre de mon aïeul, le capitaine Lucien Proutaux, écrit du premier au dernier jour de la Grande Guerre (1914-18). Ce journal est publié jour après jour, 100 ans après les événements relatés et a débuté le 1er août 2014.
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