19 Janvier 1919
19 Janvier 1919
Le temps qui depuis de longs jours était à la pluie, s’est décidé à se mettre au beau depuis hier. Le soleil brille et il a bien gelé cette nuit. Si ce froid sec continue, le danger d’inondation qui devenait menaçant depuis quelques semaines, va de nouveau se trouver conjuré.
La D.T.M.A[1]. et sa popote sont véritablement transformées en auberge depuis l’Armistice (à propos, celui-ci est encore une fois prolongé pour une durée d’un mois. Tous les jours, ce sont des officiers nouveaux qui restent ici 2 ou 3 fois 24 heures, que pendant ce temps, il faut héberger et coucher et qui s’en vont ensuite pour la plupart, dans les pays réoccupés et sur les bords du Rhin (nous avons même eu comme hôte, un contre-amiral qui allait prendre le commandement d’une flottille sur le Rhin). Je suis donc dans l’obligation de tenir un compte exact des chambres dont je dispose dans mon cantonnement, et au besoin, d’utiliser celles des permissionnaires, de me procurer des draps, ce qui n’est pas le plus aisé, pour répondre à toutes ces éventualités. Oh ! le métier d’officier de détails n’est plus de tout repos, aussi, vois-je arriver avec un certain plaisir, sans toutefois en connaître encore la date exacte, le moment où je passerai ces ennuyeuses fonctions à un autre.
Qui croirait que malgré la fin des hostilités, on puisse encore être accablé de besogne comme on l’est ici ? Depuis mon retour de permission, il ne m’est pas arrivé souvent de me coucher avant minuit ou minuit et demi. Particulièrement en ce moment, mon camarade Joubert étant absent, appelé chez lui par le décès de sa fille, je ne sais où donner de la tête, devant assurer son service en même temps que le mien ; et ce téléphone qui ne cesse de fonctionner… Quelle vie !
Il m’est arrivé ce matin, une assez désagréable petite aventure. En fermant un peu brutalement la portière de l’auto dans laquelle je me trouvais en quittant la popote, le chauffeur –un jeune, nouvellement arrivé- m’a tant soit peu écrasé l’annulaire de la main gauche. Sur le moment, la douleur fut plutôt vive et je dus me faire conduire à l’Infirmerie pour y recevoir les soins du Docteur, ce qui fait que me voici maintenant agrémenté d’un volumineux pansement à la main gauche.
"En fermant un peu brutalement la portière de l'auto...", aquarelle de Georges Scott (1873-1943) intitulée "Au volant" et réalisée en 1918 (in L'Illustration du 1er février 1919, Coll. pers.)
Je pense, d’ailleurs, que ce petit accident n’aura pas de suites graves, mais cependant, je ressens, dans le doigt, des élancements qui n’ont rien de très réjouissant ; j’espère toutefois, qu’il n’y paraîtra plus rien dans quelques jours. Ce n’est plus une blessure de guerre, cette fois, mais une blessure en service commandé. A nous le certificat d’origine ! J’en connais qui n’auraient pas manqué d’en faire établir un.