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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
10 août 2018

10 Août 1918

10 Août 1918

Notre victoire, car on peut dès maintenant l’appeler ainsi[1] se poursuit avec un succès toujours plus éclatant : Montdidier réoccupé aujourd’hui et largement dépassé, de nombreux prisonniers et des centaines de canons et de mitrailleuses en notre possession –voilà le bilan de la journée !

Ah ! que l’on voit bien que les événements obéissent maintenant à une volonté énergique et sûre, qui sait ce qu’elle veut, où elle va et coordonne habilement les efforts de tous !

Aussi, les « Berthas » se sont –elles tues et il y a tout lieu de penser que les Boches doivent être en train de les déménager en vitesse.

Pendant ma permission, le G.Q.G. a changé de Major-général ; le nouveau titulaire, successeur du Général Anthoine, est le Général Buat[2], un artilleur qui était colonel, je crois, au début de la guerre et a été, en 1916, aide-major général, chargé des opérations. Il a fait une tournée dans les services pour prendre contact avec tous.

1918 08 10 journal du général Edmond Buat

Vers février ou mars, une circulaire de Clémenceau est parue, prescrivant que, en dehors des premières lignes où seul, le casque est admis, tous les officiers devraient désormais porter le seul képi d’arme de l’ancienne tenue, à l’exclusion de tout autre.

Pour moi, cette décision ne présentait aucun inconvénient car je n’ai jamais voulu porter d’autre coiffure que l’ancien képi rouge. Mais grand a été l’émoi de nos agents supérieurs techniques des Chemins de fer, car leur ancien képi d’avant-guerre, qu’ils ont d’ailleurs porté au début de la campagne, comportait avec la calotte noire ou bleu foncé, un large ruban du plus beau rouge, leur donnant l’air de distributeurs de circulaires de chez Dufayel ou autre. Aussi, ne dérageaient-ils pas de se voir dans l’obligation de recoiffer pareille horreur.

1918 08 10 képi des agents des Chemins de fer

Képi porté par les agents des Chemins de fer avec son large ruban rouge http://lagrandeguerre.cultureforum.net/t78587-les-hommes-des-chemins-de-fer

1918 08 10 galeries Dufayel "...leur donnant l’air de distributeurs de circulaires de chez Dufayel"

Heureusement pour eux, ils ont des amis en haut lieu, et je soupçonne fort M. Lebert d’avoir profité de sa permission pour intriguer et faire agir auprès du Ministre afin qu’une amélioration soit apportée à un si triste sort… et il a réussi puisqu’il a été prescrit spécialement en leur faveur une modification à la tenue en ce qui concerne la coiffure qui devra être analogue à celle des officiers du Génie. Ce qui fait que M. Lebert, déjà nommé, vient d’arborer un superbe képi brodé, à la grande irritation de nos sapeurs, le colonel Boquet en tête, qui ne se montrent pas autrement flattés de cette légère assimilation.

Il n’y a d’ailleurs pas que cette raison qui soit une cause de mécontentement et de froissement pour les officiers combattants ; ces derniers ne peuvent, en effet, admettre que fonctionnaires des chemins de fer, de l’intendance, de la télégraphie ou autre, officiers d’administration, etc., s’arrogent des titres auxquels ils n’ont pas droit et se fassent appeler « Mon Colonel » ou « Mon Commandant »  ou « Mon Capitaine », par les troupiers. De là jaillissent parfois des paroles aigres-douces et déjà, à différentes reprises, le Colonel Lefort m’a recommandé de rappeler aux hommes de mon groupe, secrétaires, plantons ou chauffeurs, les termes du règlement à ce sujet[3].

On a un peu la manie, ici, de distribuer des surnoms et le colonel Lefort particulièrement, excelle dans ce genre de sport. Ainsi le colonel Boquet lui-même m’a pas échappé à la loi commune et s’appelle …Bil (à cause de Bilboquet évidemment). Le colonel Vanbremersch, chef du 1er Bureau… Vend la Mèche ;

J’ai déjà dit que nos camarades Uxol[4] et Bondry ont été respectivement surnommés « Le Bolchevik »  et « Le Président », le second parce qu’il est président de tribunal dans la vie civile.

        1918 02 10 Eugène Uxol jeune   1918 02 10 Eugène Uxol capitaine

 

          Le Capitaine Eugène UXOL (1850-1929), jeune à gauche, plus âgé à droite

1918 02 10 Eugène Uxol en famille  Le Capitaine Eugène Uxol entouré de sa femme et de ses deux fils

Eugène UXOL né le 20 Mars 1850 à Coulommiers (Seine et Marne), décédé le 21 Juillet 1929 à Dijon, (Côte d'Or) à l’âge de 79 ans. Fils de Jean Auguste UXOL (vers 1805-vers 1870) et de Reine Désirée SEYSSIER (vers 1810-vers 1880)

Militaire (Capitaine). Service d'état-major. — Par décision ministérielle du 8 février 1914 : M. Uxol, capitaine au 5e régiment du génie, est nommé à l'état-major du commandement du génie de la 21e région (service).Le capitaine Uxol comptera à l'état-major particulier de son arme. (J.O.R.F.)

Citations à l'ordre de l'armée : UXOL, capitaine à l'état-major du commandement du génie de l'armée, officier d'un dévouement absolu. Collaborateur très apprécié du général commandant le génie. A rendu les meilleurs services pour l'organisation des tranchées en les parcourant fréquemment sans aucun souci du danger. A été blessé sérieusement au cours d'une inspection d'une première ligne. (Ordre du 30 septembre 1915.) (J.O.R.F.) Chevalier de la Légion d’Honneur

A résidé à Dijon à partir de 1923.Il épouse le 19 Mars 1888 Noémie Joséphine VIAL (1864-1939) dont il a trois enfants : Antonin UXOL  (1887-1971), Louis UXOL (1893-1952) et Marie UXOL décédée en bas âge.

Il a sans doute résidé aussi à Montluçon, lieu de naissance de Louis, père de Jacques Uxol. Il est enterré au cimetière de Dijon ainsi que son épouse Noémie Joséphine Vial.

On a vu également que le général Maurin a été baptisé « C’cochon de Maurin » ;

Le colonel Valentin est surnommé … « Le Désossé » 

1918 08 10 Valentin le Désossé

Montdidier, Edme-Étienne-Jules Renaudin, dit Valentin le Désossé, Valentin Montagné ou encore Seigneur Valache (Paris, 26 février 1843 - Sceaux, 4 mars 1907) fut un danseur et contorsionniste français célèbre. Il est ici immortalisé en compagnie de La Goulue par une peinture de Toulouse-Lautrec

Le général Ragueneau –ancien Directeur de l’Arrière- « Le Petit Homme », je n’ai jamais su pourquoi ;

Le Commandant Bortoli, commissaire militaire de la Gare du G.Q.G. –tel est son titre- « Bazar-Pacha », parce qu’il possède des comptoirs et des bazars en Orient ;

Il y a encore le colonel Lorieux qu’on appelle le ……. Mais non, je ne le dirai pas car son surnom est par trop malséant, et combien d’autres dont le souvenir ne me revient pas en ce moment, sauf, toutefois, le capitaine de La Pérouse, surnommé « Le Navigateur », en souvenir de son illustre ancêtre.



[1] Par la suite, Ludendorff a écrit : « Le 8 Août 1918 a été un jour de deuil pour l’Armée Allemande. » Note de l’auteur

[2] Après la guerre, le général Buat était devenu chef d’Etat-major général de l’Armée et c’est dans ces importantes fonctions qu’il est subitement décédé en 1923. Note de l’auteur.

Le général Edmond Buat, né en 1868, est nommé major-général au GQG le 4 juillet 1918, poste qu'il quitte en octobre 1919, il y organise la manœuvre défensive des armées françaises lors des dernières grandes offensives allemandes puis la série des offensives françaises conjuguées à celles des armés alliées, et ce jusqu'à l'Armistice. À ce poste il doit s'adapter aux exigences et aux ordres, parfois contradictoires, de son chef le général Philippe Pétain et du chef des armés alliées, le général puis maréchal Ferdinand Foch. De la première journée des hostilités jusqu'à la fin de sa vie, Buat tient quasi quotidiennement son journal (NDLR)

[3] Les lois sur la réorganisation de l’Armée, votées en 1928 et 1929, ont, d’ailleurs, modifié cet état de choses, tout au moins en ce qui concerne un grand nombre d’officiers « non combattants » ; c’est ainsi que les officiers d’administration ont reçu les appellations de Lieutenant d’Administration, Capitaine d’Administration, et ainsi de suite jusqu’au grade de Lieutenant-colonel, qui a été créé en leur faveur. Ils ont donc, maintenant, le droit d’être appelés, par leurs inférieurs, « Mon Lieutenant », « Mon Capitaine », etc. Les médecins sont devenus : médecin-capitaine, médecin-colonel, médecin-général. Les fonctionnaires de l’Intendance, toutefois, ne se sont pas vu attribuer ces appellations. Cependant, les anciennes ont également été modifiées ; plus d’adjoint d’intendance, ni de sous-intendant, ni d’Intendant militaire. Ils sont dorénavant désignés sous les titres de : Intendant-adjoint, Intendant de 3e classe, de 2e classe de 1e classe, Intendant général de 2e classe ou de 1e classe. Note de l’auteur.

[4] J’ai retrouvé le descendant du capitaine Uxol qui a eu l’amabilité de me fournir des photos représentant son grand-père ainsi que quelques éléments de sa biographie. Que Jacques Uxol, petit-fils du capitaine Eugène Uxol soit ici vivement remercié !

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Commentaires
A
Parce que, un képi, m'sieurs dames, ça se doit d'être es-thé-tique ! C'est marrant comme une ineptie peut avoir son importance alors que l'on vient de subir les pires atrocités de la guerre. J'aurais toujours du mal à comprendre ce drôle d'animal qu'est l'être humain...
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Souvenirs de Campagne - Grande Guerre 14-18
  • Vous trouverez ici le Journal de guerre de mon aïeul, le capitaine Lucien Proutaux, écrit du premier au dernier jour de la Grande Guerre (1914-18). Ce journal est publié jour après jour, 100 ans après les événements relatés et a débuté le 1er août 2014.
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